Maurice Druon, né le dans le 13e arrondissement de Paris et mort le , est un écrivain et homme politique français. Maurice Druon s'engage dans la Résistance et rejoint Londres en janvier 1943. Attaché au programme « Honneur et Patrie » de la BBC, il écrit alors avec son oncle Joseph Kessel les paroles du Chant des Partisans, que met en musique Anna Marly.
Après la guerre, il devient un homme de lettres à succès avec Les Grandes Familles (Prix Goncourt 1948) et surtout la saga des Rois maudits, roman historique en sept tomes publiés entre 1955 et 1977 et que l'adaptation télévisée fera connaître à un très large public. Il est élu à l'Académie française en 1966 à quarante-huit ans, et en devient le secrétaire perpétuel de 1985 à 1999. Il a écrit d'autres œuvres — comme Tistou les pouces verts, en 1957, un conte pour la jeunesse —, mais aussi des pièces de théâtre et des essais.
Maurice Druon est baigné par son ascendance dans la littérature, comme neveu de l'écrivain Joseph Kessel, arrière-petit-fils d'Antoine Cros, troisième « roi d’Araucanie et de Patagonie », arrière-petit-neveu du poète Charles Cros et arrière-arrière-petit-fils d'Odorico Mendes, homme de lettres brésilien, protecteur du 17e fauteuil de l'Académie brésilienne des lettres[2]. Son père, Lazare Kessel (1899-1920), né à Orenbourg en Russie, immigre à Nice en 1908 en compagnie de ses parents juifs d'origine lituanienne et de son frère aîné, le futur écrivain Joseph Kessel. Lauréat du premier prix du Conservatoire, Lazare Kessel est pensionnaire de la Comédie-Française. Mais il se suicide par balle le 27 août 1920 à l'âge de 21 ans avant d'avoir reconnu son enfant. Le futur Maurice Druon est reconnu en 1926 par René Druon (1874-1961), notaire dans le Nord, lorsque celui-ci épouse sa mère, Léonilla Samuel-Cros (1893-1991)[3].
Il devient l'aide de camp du général François d'Astier de La Vigerie, puis attaché au programme « Honneur et Patrie » de la BBC auprès d'André Gillois, avant de partir en mission à Alger pour le Commissariat à l’intérieur et à l’information et devient correspondant de guerre auprès des armées françaises en 1944 jusqu’à la fin des hostilités. Il écrit alors avec Kessel en mai 1943 le Chant des partisans qui, sur une musique composée par Anna Marly, devient l'hymne aux mouvements de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale[3]. Il est également l'auteur, en 1942, de la célèbre chanson française Le Galérien, mise en musique sur un arrangement d'un air traditionnel russe par Léo Poll, et interprétée par Yves Montand, puis par les Compagnons de la chanson en 1950, ensuite par Armand Mestral, puis Mouloudji en 1958 et enfin par de nombreux autres artistes interprètes[6].
À la Libération, il se consacre à la littérature et publie ses souvenirs de guerre dans La Dernière Brigade en 1946. Avec son roman Les Grandes Familles en 1948, premier de la trilogie « La Fin des hommes » (avec « La Chute des corps » et « Rendez-vous aux enfers »), il reçoit le Prix Goncourt qui lui donne une place dans le Paris littéraire. En 1953, sa pièce en un acte, Un Voyageur, entre au répertoire de la Comédie-Française avec une mise en scène de Jean Piat, et il publie avec Joseph Kessel, la pièce Le Coup de grâce. Puis il accède définitivement à la célébrité avec le succès de sa saga historique littéraire, Les Rois maudits, publiée à partir de 1955, et adaptée en 1973 à la télévision. Maurice Druon n'a jamais caché que sa série « Les Rois maudits » avait été le résultat d'un travail d'atelier. Au nombre des collaborateurs, qu'il remercie dans sa préface, on relève les noms de Gilbert Sigaux, Matthieu Galey, Pierre de Lacretelle, José-André Lacour et Edmonde Charles-Roux parmi quelques nègres de moindre envergure[5]. Avec ces deux sagas, ainsi que les romans mythologiques Alexandre le Grand et Les Mémoires de Zeus, il semble se spécialiser dans le roman historique, réputé « écrivain pessimiste[2] », tout en s'aventurant dans la littérature jeunesse avec Tistou les Pouces verts et en écrivant des nouvelles.
Après divers prix prestigieux, dont le prix Pierre de Monaco qui récompense l'ensemble de son œuvre à quarante-huit ans en 1966, il est élu, le 8 décembre de cette même année, au 30e fauteuil de l’Académie française, succédant à Georges Duhamel. Il participe entre 1969 et 1970 à la Commission de réforme de l'ORTF.
Le résistant gaulliste reste engagé politiquement durant toutes ces années. Peu à peu, le romancier laisse la place à l'écrivain engagé et au polémiste. Publiant tour à tour L'Avenir en désarroi où il analyse les mouvements de Mai 68, Une Église qui se trompe de siècle dans lequel il critique l'évolution de l'Église catholique, ou une édition augmentée de ses Lettres d’un Européen, publiées initialement durant la guerre, et dans lesquelles il prend parti pour une Europe des Nations avec monnaie unique et suppression des frontières[2]. Ne refusant pas l'étiquette de conservateur, il écrit « Dussé-je souffrir encore quelques vices dans ma société libérale, je ne suis pas monté de l'amibe à l'homme pour retomber à la société d'insectes. Je refuse de devenir le complet assisté, donc le complet esclave d'une société égalitaire, dont rien ne m'assure d'ailleurs qu'elle serait moins vicieuse ou viciée que la mienne, puisque ce seraient tout de même des hommes, quelques hommes, qui la commanderaient[7]. »
Maurice Druon est nommé le 5 avril 1973 ministre des Affaires culturelles[8] par Georges Pompidou. La nomination de cette figure historique du gaullisme, seul membre du gouvernement à ne pas être élu, homme de lettres popularisé par ses succès littéraires et l'adaptation télévisuelle des Rois Maudits, résistant ne cachant pas son goût pour l'ordre, doit permettre de calmer une majorité échaudée par le projet du Centre Beaubourg[9].
Qualifié de « Malraux de Pompidou » par Paul Morand[5] et de « Malraux du pauvre » par L'Humanité au moment de sa nomination[10], en référence à l'écrivain premier titulaire du ministère des Affaires culturelles, il s'appuie sur son succès littéraire et télévisuel pour assoir sa légitimité politique, affirmant à Jean Mauriac : « Et puis, au fond, mes lecteurs ne sont-ils pas mes électeurs[11] ? ». « Logique qui donne l'Élysée à Guy Lux et Matignon à Zitrone » lui répond Maurice Clavel[12]. Par ces premières déclarations abruptes, il se fait « chantre national » selon le mot de Pompidou – il inaugure son ministère en jugeant que Picasso« doit beaucoup à la France » – et incarne une culture conservatrice comme « intellectuel à contre-courant » selon Le Monde, s'étonnant que l'on puisse représenter Les Paravents de Jean Genet dans un théâtre public, car « il appartient à l'État de faire respecter la liberté d'opinion mais non de financer les adversaires de l'État[10] ». Ainsi, quand il menace les directeurs de théâtre subversifs de leur couper les subventions en proclamant que « les gens qui viennent à la porte de ce ministère avec une sébile dans une main et un cocktail Molotov devront choisir[13] », il fait craindre à l'aspiration d'un art officiel et provoque la polémique : après la parution dans le Monde de la réponse de Roger Planchon puis de celle de Jean-Louis Barrault qui dénonce « le clairon de la répression culturelle », une procession funèbre silencieuse symbolisant la mort de la liberté d'expression rassemble le 13 mai 1973, à l'initiative de plusieurs metteurs en scène, dont Ariane Mnouchkine, Jean-Pierre Vincent, Jean Jourdheuil et Bernard Sobel, avec le soutien de la gauche, plusieurs milliers de manifestants.
Cependant, malgré l'apparente rupture avec l'ouverture et la modernisation voulue par Jacques Duhamel, Maurice Druon inscrit ses actions dans la continuité de son prédécesseur, conservant à leur poste les principaux directeurs du ministère, et reconduisant Jacques Rigaud comme directeur de cabinet, jusqu'au départ de ce dernier et son remplacement par Dominique Le Vert. Ses relations au sein du ministère sont parfois délicates, ses différends avec Pierre Emmanuel provoquant la démission entière du Conseil du développement culturel, créé en décembre 1971 à la suite de la commission culturelle du VIe plan. Et, si la censure au cinéma persiste, à travers l'interdiction d'Histoires d'A de Charles Belmont et Marielle Issartel, qui présente un avortement par aspiration en direct, et le refus de distribution de La Bonzesse de François Jouffa, racontant l'histoire d'une femme qui se prostitue pour payer un voyage à Katmandou[14], les coupes et interdictions sont restées limitées sous ce ministère, selon Emmanuel Wallon[9].
Sous son ministère, doté d'un budget d'environ 0,5 % du budget de l'État, pas encore grevé par les travaux de Beaubourg, est créée l'Association française pour les célébrations nationales, tandis que la Caisse nationale des Lettres du ministère de l'Éducation nationale est transférée, sous le nom de Centre national des Lettres, à celui des Affaires culturelles, avec des attributions élargies à l'aide aux auteurs et à la littérature francophone non française[9]. De nouveaux Centres d'action culturelle (CAC) sont homologués à Annecy, Douai, Fort-de-France, Montbéliard et Paris (Carré Thorigny), les orchestres nationaux se mettent en place à Toulouse, Bordeaux et Alfortville[9], les budgets des théâtres nationaux sont augmentés et la Comédie-Française rénovée[15].
Il n'est pas reconduit dans le troisième gouvernement de Pierre Messmer en mars 1974. Il entre au comité central de la nouvelle formation gaulliste, le Rassemblement pour la République, et siège à son conseil politique en 1979 et 1980. Vingt ans plus tard, il critique dans une tribune du Figaro le parti de Jacques Chirac auquel il dénie la filiation à Charles de Gaulle et qu'il juge n'avoir été conçu que comme « un ascenseur destiné à hisser un présidentiable[16] ». Il est élu député RPR de Paris de mars 1978 à mai 1981. Il occupera divers postes diplomatiques ou politiques comme membre du Conseil franco-britannique ou représentant aux Assemblées parlementaires du Conseil de l'Europe et de l'Union de l'Europe occidentale, démissionnant de ses fonctions après mai 1981.
Secrétaire perpétuel à partir du 7 novembre 1985 en remplacement de Jean Mistler, il limite l’évolution de l’Institut[4], critiquant l’élection de la première académicienne, Marguerite Yourcenar, en craignant que « d’ici peu vous aurez quarante bonnes femmes qui tricoteront pendant les séances du dictionnaire ». Il ouvre la Coupole aux auteurs francophones et contribue à y faire entrer des grands noms tels Fernand Braudel, Georges Duby, Claude Lévi-Strauss[17].
Déclarant dans son discours de réception à l’Académie en 1967 que « la civilisation est d’abord un langage[3] », il intervient régulièrement sur l’évolution, qu’il souhaite très lente, de la langue française face à la société, particulièrement hostile sur la féminisation des noms de métiers. En 1990, à l’occasion des réflexions sur la nouvelle orthographe demandée par Michel Rocard, il prend parti pour des rectifications limitées, et surtout non restrictives, pour que ce soit l’usage qui ratifie les évolutions de la langue. Il publie Lettre aux Français sur leur langue et leur âme en 1994 et Le Bon Français en 1999. Plus tard, en 2006, sa critique du français « pittoresque » des Québécois, comparée à la langue « très sûre, très pure, très exacte » cadrée en France au XVIIe siècle lui a valu plusieurs critiques au Québec[18]. Il joue un rôle important lors de la création du programme franco-britannique des Bourses Entente Cordiale, comme il y fait référence dans son discours prononcé à l’occasion de sa nomination comme Chevalier commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique[19].